Comité d'éthique en sciences humaines et sociales
Depuis les années 2000, les chercheurs en sciences humaines et sociales (SHS) sont encouragés à développer une réflexion sur les implications éthiques de leurs travaux. La réflexion éthique est désormais considérée comme une dimension constitutive de la connaissance elle-même, qui déborde les stricts enjeux d’intégrité en recherche. Dans de nombreux cas, elle fait l’objet d’une obligation spécifique, les questionnaires et formulaires éthiques étant devenus une condition d’accès aux financements des projets de recherche belges ou européens. En quoi consiste cette réflexion éthique ?
Depuis les années 2000, les chercheurs en sciences humaines et sociales (SHS) sont encouragés à développer une réflexion sur les implications éthiques de leurs travaux. La réflexion éthique est désormais considérée comme une dimension constitutive de la connaissance elle-même, qui déborde les stricts enjeux d’intégrité en recherche [1]. Dans de nombreux cas, elle fait l’objet d’une obligation spécifique, les questionnaires et formulaires éthiques étant devenus une condition d’accès aux financements des projets de recherche belges ou européens. En quoi consiste cette réflexion éthique ?
La réflexion éthique envisage les sciences comme des pratiques de connaissance où s’élaborent des relations concrètes entre les chercheurs et des individus ou des collectifs concernés. En sciences humaines et sociales comme ailleurs, la déontologie ou les codes de conduite propres aux différentes disciplines de recherche, ainsi que, dans certains cas, le droit, encadrent et balisent pour partie ces relations : ne pas nuire, s’assurer du consentement des participants, les informer aussi clairement que possible des finalités de la recherche, partager les résultats, garantir la confidentialité, protéger le matériau et les données collectées, adopter une attitude responsable, neutraliser les conflits d’intérêt, etc.
Ces normes et valeurs professionnelles, axées pour l’essentiel sur les droits et les intérêts des participants, ainsi que sur les intérêts des communautés scientifiques concernées et de la société, n’ont cependant pas vocation à déterminer intégralement les modalités de l’action en recherche et la nature des relations qu’elle entretient avec ses sujets, ses objets et son environnement : elles invitent le chercheur à les élaborer de manière réfléchie. Ici commence véritablement la réflexion éthique qui, dans leur prolongement, interroge en situation les effets et les implications d’une pratique de connaissance singulière et propose des manières de faire qui puissent y répondre adéquatement, le cas échéant. En d’autres termes, l’éthique ne se limite pas à l’énoncé de principes et de valeurs socialement partagés, mais se présente plutôt comme une mise en œuvre située de ceux-ci. Qu’il s’agisse d’une mise en œuvre située signifie qu’au-delà de l’identification des intérêts spécifiques des participants ou des communautés scientifiques concernées, la réflexion éthique puisse intégrer la prise en compte des éventuelles implications sociales (économiques, politiques, culturelles ou encore morales) d’une recherche.
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[1] Certains auteurs avancent à juste titre que l’éthique en recherche englobe les questions d’intégrité, sans toutefois s’y réduire. L’intégrité relève d’une approche déontologique, c’est-à-dire de conformité à des normes générales ou spéciales. Très souvent, cette approche est négative ou corrective, visant d’abord les manquements ou les « inconduites » : la fraude, le plagiat, l’embellissement de résultats expérimentaux, la falsification et la rétention des données, les inexactitudes concernant l’autorship, l’usage abusif des résultats, les conflits d’intérêt. Dominante à l’échelle mondiale, cette approche laisse dans l’ombre les aspects épistémologiques des sciences, les applications sociales des sciences et des technologies, ou encore l’implication des humains et des non-humains (animaux, végétaux, environnements) dans la recherche.
Dans cette perspective, l’action d’un comité d’éthique en SHS est double : d’une part, elle consiste à sensibiliser les enseignants-chercheurs aux normes et aux valeurs des différentes disciplines de recherche ; d’autre part, elle guide les enseignants-chercheurs qui en font la demande dans leur démarche réflexive pour intégrer au mieux, dans l’élaboration même de leur projet, l’intérêt des participants, celui des communautés scientifiques concernées ainsi que les implications sociales de la recherche.
En outre, un comité d’éthique en SHS veille, dans son action, à préserver ce qui fait la spécificité et la diversité épistémologique des pratiques de connaissance en sciences humaines et sociales. Trois éléments sont à prendre en compte ; tous concernent le type particulier de relation qu’elles entretiennent avec leurs « objets » de connaissance. Premièrement, elles activent dans leur propre démarche une interrogation critique sur les outils d’analyse et leurs effets concrets sur « l’objectivité » produite. Deuxièmement, elles admettent le caractère situé de la recherche comme une condition plutôt que comme un obstacle à la connaissance. Troisièmement, elles reconnaissent le caractère relationnel, voire la réciprocité inhérents aux pratiques de connaissance, en particulier lorsqu’elles sont fondées sur l’enquête ; sont donc portés au compte de la connaissance elle-même ce que la recherche fait aux participants pris individuellement et à la pluralité des collectifs qu’elle concerne et ce que ceux-ci font en retour à la recherche, à la production de savoir. Une démarche éthique en SHS doit non seulement préserver, mais prendre appui sur ces socles épistémologiques.
En conséquence, le CESHS de l’ULiège se propose de promouvoir chez les pairs une démarche éthique à travers une coopération habilitante plutôt qu’à travers un contrôle coercitif[2], dans une optique de responsabilité partagée et d’autonomie des enseignants-chercheurs, sans s’ériger en juge impartial de ce qui est (ou n’est pas) « éthique » en sciences humaines et sociales. Il part du principe que chaque enseignant-chercheur dispose de savoirs spécifiques, mais aussi de valeurs, d’une culture et d’une posture, d’expériences et de jugements à la fois personnels et liés à sa discipline ; ces éléments constituent des ressources pour la démarche éthique. Le CESHS ne prétend en aucun cas supplanter ces derniers mais propose d’accompagner toute personne qui le demande à la consolidation et à l’enrichissement de sa démarche éthique.
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[2] Pour cette distinction, ici légèrement modifiée, voir : Luc Bégin et Lyse Langlois, « La construction d’un dispositif éthique : l’expérience d’une tension problématique », Pyramides [En ligne], 22 | 2011, mis en ligne le 16 février 2015, consulté le 05 novembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/pyramides/907
1. Compétences
Le Comité d'éthique en Sciences Humaines et Sociales est compétent dans toutes les matières relevant de ce domaine à l’exception des domaines de la Psychologie, Logopédie et Sciences de l’Education relevant d’un Comité d’éthique spécifique.
2. Missions
Le Comité exerce les missions suivantes :
- une mission d'accompagnement et de conseil concernant les aspects éthiques des recherches et études en sciences humaines et sociales ;
- à la demande du promoteur et sous sa responsabilité, une mission d'avis conforme et préalable sur les questions éthiques soulevées par un projet de recherche ou une étude en sciences humaines et sociales ;
- une mission de sensibilisation générale en matière d'éthique tant auprès du personnel que des étudiants concernés, notamment par le développement de standards de référence, de documents, de procédures et de formulaires utiles.
Dans l'exercice de ses missions, le Comité se fonde notamment sur :
- le droit applicable en Belgique et plus particulièrement la législation en matière de protection de la vie privée ;
- les règles éthiques ou déontologiques qui ont, le cas échéant, été développées dans le domaine de recherche concerné par une demande particulière, telles que, par exemple, l’International Sociological Association's (ISA) Code of Ethics, le Code de déontologie journalistique (belge), adopté par le Conseil de déontologie journalistique du 16 octobre 2013, le Statement of Ethics for Researchers 2015 de la British Society of Criminology, les Principles of Professional Responsibility (du 1er novembre 2012) de l'American Anthropological Association , etc (voir les « Ressources », ci-dessous).
3. Composition
Le Comité est multidisciplinaire et multisectoriel dans sa composition, il réunit l’expertise scientifique adéquate. Le Comité est ainsi composé de deux représentants des facultés suivantes, désignés par le Conseil d’administration de l’Université sur proposition de ces dernières, pour un mandat de 4 années renouvelable : Faculté d’Architecture (FA); Faculté de Droit, de Science Politique et de Criminologie (FDSPC); Faculté de Philosophie et Lettres (FPHL); Faculté des Sciences Sociales (FaSS); HEC-Ecole de Gestion de l'ULg (HEC).
4. Réunions
Le Comité se réunit au minimum 2x/an et chaque fois qu’un dossier lui est soumis. En outre, il peut se réunir à la demande du président ou d'au moins trois de ses membres.
5. Saisie
Le demandeur peut saisir le Comité par la voie du formulaire établi par ce dernier (en annexe), ou bien en faisant parvenir le formulaire destiné au traitement des questions éthiques établi par les agences de recherche (FRS-FNRS ou autre), accompagné des annexes utiles à l’analyse de la situation (projet de recherche, description méthodologique, etc.).
- Bruno Frère (Président), FRS-FNRS, Faculté des Sciences Sociales (FaSS)
- Frédéric Bouhon (Vice-président), Faculté de Droit, de Sciences Politiques et de Criminologie (FDSPC)
- Grégory Cormann (Secrétaire), Faculté de Philosophie et lettres (PHL)
- Cécile Mathys, Faculté de Droit, de Sciences Politiques et de Criminologie (FDSPC)
- Bernard Surlemont, HEC-Ecole de Gestion
- Virginie Xhauflair, HEC-Ecole de Gestion
- Benjamin Rubbers, Faculté des Sciences Sociales (FaSS)
- Aurélie De Boissieu, Faculté d’Architecture (FA)
- Philippe Sosnowska, Faculté d’Architecture (FA)
- Eric Geerkens, Faculté de Philosophie et lettres (PHL)
Conformément à la perspective adoptée (lire « L’éthique en SHS » et « Notre démarche »), le CESHS ne pratique pas de revue systématique des projets de recherche en SH à l’ULiège (mémoires, doctorats ou recherches postdoctorales). Il n’y a par ailleurs pas d’obligation légale, ni de règlement académique à l’ULiège prévoyant la soumission systématique des projets en SHS.
La responsabilité quant à la prise en considération et au traitement des aspects éthiques d’une recherche revient en premier lieu au chercheur lui-même et, dans le cas où la recherche est dirigée, à son éventuel encadrant (promoteur.e de thèse de doctorat ou de recherches postdoctorales). Les documents fournis dans la section "Ressources et Documentation", ainsi que le formulaire établi par Comité peuvent aider chacun à se poser les questions éthiques pertinentes et à essayer d’y répondre.
Le CESHS remet des avis
- lorsque les bailleurs (organismes de financement de la recherche tels que le FNRS ou l’ERC) exigent formellement l’approbation, par le comité d’éthique SHS de l’institution d’accueil, du « questionnaire relatif à l’éthique » ou tout autre document annexé au projet de recherche. Avant toute saisie du CESHS, ces documents auront été revus par l’encadrant.e. de la recherche.
- lorsque le/la chercheur.e et la/le promoteur.e estiment avoir besoin d’un avis complémentaire.
La personne qui souhaite saisir le CESHS doit :
- s'il existe, envoyer le questionnaire relatif à l’éthique fourni par l’agence de financement de la recherche ou le bailleur de fond ;
- remplir le formulaire du CESHS disponible sur sa page internet ;
- ajouter toutes pièces utiles (projet de recherche lui-même, publications ou travaux potentiels concernés par la demande, etc).
Le formulaire, assorti de toutes les annexes utiles (projet de recherche, publication, …) doit être adressé au Secrétaire et à la/au Président.e., à l’adresse ceshs@uliege.be et comporter un Objet clair et précis (« demande d’avis projet XXX ») pour :
- le 31 janvier
- le 30 avril
- le 30 août
- le 30 octobre
A partir de ces dates butoirs, le CESHS s’engage à accuser réception de la demande et à rendre un avis ou à demander un complément d’information dans les 3 mois.
American Anthropological Association Ethics Blog
The Norwegian National Research Ethics committee (Social sciences, HUmanities, Law and Theology Guidelines)
- https://www.etikkom.no/en/
- https://www.etikkom.no/globalassets/documents/english-publications/60127_fek_guidelines_nesh_digital_corr.pdf
Economic & social research council (ESRC, UK)
Comité d’éthique du CNRS (Comets)
Commission européenne
- http://ec.europa.eu/research/participants/data/ref/fp7/89867/social-sciences-humanities_en.pdf
- https://ec.europa.eu/research/participants/data/ref/h2020/other/hi/h2020-ethics_code-of-conduct_en.pdf
- http://www.scienceeurope.org/wp-content/uploads/2015/12/Briefing_Paper_Research_Integrity_web.pdf
Conseil de l’Europe
Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique
Université Paris-Saclay, Département de recherche en éthique
Revue Mouvements 2008/ 3-4 (n° 55-56), thématique « Ethique et sciences sociales »