Oriane Petteni est chercheuse en philosophie au sein de l’UR Traverses. Ses travaux se situent au croisement de la métaphysique, de la philosophie politique, de la philosophie des sciences et de l’esthétique. Ils visent à interroger la coupure moderne entre nature et culture, responsable de la crise écologique actuelle et à produire une réévaluation écocritique de la philosophie postkantienne. « Je m’intéresse plus particulièrement à la philosophie de la nature allemande, dont je cherche à montrer qu’elle constitue un corpus particulièrement puissant conceptuellement pour repenser les apories de l’Anthropocène et pour affronter les défis contemporains actuels, et notamment le risque de catastrophe planétaire.
Au-delà des frontières invisibles et inconscientes
« Pour moi, la journée des femmes a un sens profondément politique. Il s’agit de réintégrer la question des femmes, et notamment des travailleuses, dans les réflexions globales sur l’émancipation politique, économique et sociale. » Oriane Petteni rappelle à cet égard les origines de cette journée, dont l’idée est lancée en 1910 par l’instigatrice de l’internationale socialiste des femmes Clara Zetkin, celle-ci s’inspirant de mouvements d’ouvrières aux USA quelques années plus tôt.
Si tous les chercheurs sont confrontés à la précarité, le parcours des femmes chercheuses se double de difficultés spécifiques. « Les constats que je fais avec mes consoeurs d’horizons divers se recoupent sur un certain nombre de problèmes structurels. Une série de facteurs créent des frontières plus ou moins invisibles et inconscientes qui participent de comportements très fréquents d’auto-limitation, d’auto-dévalorisation ou d’auto-invisibilisation chez les chercheuses. » Oriane Petteni cite par exemple : l’entre-soi masculin lors des événements scientifiques et/ou plus informels, une quantité moindre d’invitations à participer à des événements et/ou publications scientifiques, une moins grande tendance à être cité par ses pairs à compétence égale, certaines remarques/attitudes sexistes dans le milieu professionnel ou en conférence.
Oriane Petteni évoque également une étude publiée dans la revue Nature qui montre que, à niveau égal, pour qu’une chercheuse obtienne la même reconnaissance et légitimité que son collègue masculin, elle devra être 2,6 fois plus productive que lui.* « Quand on connait les pressions de publications actuelles, c’est absolument éreintant, surtout si l’on souhaite éventuellement développer une vie de famille à côté. Cela explique à mon sens que nombre de chercheuses brillantes s’arrêtent après la thèse. Je note qu’il existe cependant un certain nombre de collègues hommes à l’écoute et sensibles à notre situation ainsi qu’une grande solidarité entre doctorantes des diverses institutions francophones qui permet malgré les éventuelles difficultés de continuer à exercer ce métier avec passion. »
La recherche en philosophie, c’est en effet avec passion qu’elle l’exerce. S’il lui est difficile de se projeter à plus de quelques mois tenant compte de la précarisation du métier de chercheur notamment en sciences sociales, elle espère continuer dans cette voie. « Ma vie est profondément liée à la philosophie. »
Les faiseuses d’histoires
« J’ai toujours trouvé inspirant le livre co-signé par Vinciane Despret et Isabelle Stengers, auquel a également participé pour l’ULiège la philosophe Laurence Bouquiaux, intitulé Les faiseuses d’histoires. Il pose en effet notamment la question de l’inconfort d’occuper une place qui ne devrait pas être la sienne. C’est un livre à mettre entre les mains de toutes les jeunes chercheuses afin qu’elles comprennent que les difficultés auxquelles elles font face de manière individuelle ont en fait une dimension collective, structurelle et historique. »
« J’ai également été très touchée par la manière dont mes collègues doctorantes (et quelques doctorants) des diverses institutions belges mais aussi à l’international ont tissé un lien de solidarité entre nous afin de nous soutenir et de prendre confiance en nos travaux. C’est une belle expérience collective. »
* À ce sujet, Oriane Petteni invite à visionner cette vidéo de l'ULB.